Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/49

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Ce ne fut point le comte de Bluthaupt qu’ils demandèrent, mais bien maître Zachœus Nesmer son intendant.

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Il était six heures et demie du soir environ. Dans une grande salle éclairée faiblement par deux lampes, quatre hommes étaient assis autour d’une haute cheminée de marbre noir où brûlaient des souches de mélèzes. — À gauche de la cheminée, un lit à galerie, carré de forme, et dont le ciel sculpté avait pour supports des colonnes d’ébène, s’adossait à la muraille et disparaissait entièrement sous les plis fermés de ses rideaux.

On avait disposé au pied de ce lit une sorte de clôture en tapisserie, qui l’isolait à demi et lui faisait une large alcôve.

Il y avait à droite et à gauche de la place pour plusieurs personnes.

En dedans de cette alcôve, une petite porte communiquait avec un oratoire rond, ménagé dans un tourillon faisant saillie et cul-de-lampe au dehors. Un prie-Dieu, ajouré comme une pièce d’orfèvrerie, de beaux missels reliés de velours et d’or, de saintes images ornaient ce réduit pieux.

Entre le lit et la cheminée, une table étroite et basse se couvrait de fioles au long cou, de bouilloires et de tasses d’argent ciselées. — De tout cet attirail médical s’exhalaient ces parfums pénétrants et hostiles que l’odorat déteste d’instinct, parce qu’ils annoncent la souffrance.

De l’autre côté du lit, et derrière la draperie il y avait un berceau vide, orné de gaze blanche et de fleurs, qui semblait prêt à recevoir un nouveau-né attendu.

À l’autre extrémité de la salle, dans l’embrasure profonde d’une fenêtre, un page et une suivante, — deux beaux enfants ingénus et souriants, — étaient assis l’un auprès de l’autre sur des tabourets, et s’entretenaient à voix basse.

Le page avait dix-huit ans. Ses grands cheveux blonds, séparés sur le sommet de la tête, tombaient en boucles épaisses des deux côtés de son front blanc et doux comme celui d’une jeune fille. — Sous cette douceur néanmoins, il y avait déjà une fermeté vaillante ; et parfois un éclair viril s’allumait tout à coup dans son grand œil bleu qui, l’instant d’après, se baissait timide. — Il se nommait Hans Dorn.