Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/497

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de messieurs mes associés… Il est inutile de chercher ici ses phrases :

» Reinhold est un misérable que rien n’arrête, et ce lugubre coquin de docteur ne vaut pas mieux que Reinhold !… »

— Est-ce pour me dire cela que vous m’avez donné un rendez-vous ? demanda Rodach en secouant du petit doigt la cendre de son cigare.

— Non, monsieur, répondit Abel ; je vous ai demandé une entrevue, parce que votre intérêt m’a semblé le même que celui de la maison, et parce que j’ai voulu mettre en vos mains une affaire dont l’issue est pour nous tous, — je parle commercialement, — une question de vie ou de mort.

Abel se recueillit un instant, pour se rappeler les termes préparés de son discours ; puis il poursuivit :

— Meinherr Fabricius Van-Praët, d’Amsterdam, a sur nous une créance exigible de près d’un million et demi.

— Ah ! fit Rodach négligemment, — tant que cela ?…

— Je puis mieux que personne en donner le chiffre, puisque je suis chargé de traiter directement avec la maison Van-Praët… Voilà déjà plusieurs mois que ce correspondant, à bout de patience, nous a fait parvenir des menaces… s’il n’a point usé encore de rigueur envers nous, je puis l’attribuer sans vanité à la diplomatie que j’ai déployée dans cette affaire. Mais toute chose a un terme… J’ai lieu d’être convaincu que le dernier délai de quinzaine accordé sur mes sollicitations pressantes ne sera désormais prolongé sous aucun prétexte.

— Et quand expire ce délai ? demanda le baron.

— Samedi prochain.

— Vous auriez encore le temps d’écrire…

— J’ai trop écrit !… une lettre nouvelle ne servirait absolument à rien… Je sais que les pouvoirs de la maison Van-Praët sont chez un agréé de Paris, et que les poursuites commenceront, en cas de non payement, samedi dans la journée.

Le baron tira son cigare de sa bouche, et le considéra fort attentivement.

— Mon cher monsieur, dit-il, vous m’annoncez là une nouvelle excessivement fâcheuse… Mais il me semble que je n’y puis rien.