Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/503

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régler une affaire difficile et dont sa poltronnerie s’exagérait les dangers réels.

L’échec qu’il venait de subir, dans le duel de Verdier contre le jeune Franz, diminuait de beaucoup sa confiance en lui-même, et laissait subsister des embarras dont il avait cru se délivrer.

Il était malade d’esprit, et voyait tant d’obstacles surgir le long de sa route, que le découragement lui venait ; il lui fallait absolument un auxiliaire.

En ce moment où sa faiblesse morale était doublée par l’insuccès, la seule pensée d’affronter le Madgyar Yanos lui donnait le vertige, et ce voyage de Londres l’épouvantait à tel point, qu’avant de l’entreprendre, il eût regardé, les bras croisés, la ruine de la maison de Geldberg.

Ce Madgyar était un terrible homme. Vingt ans écoulés n’avaient point changé sa nature batailleuse. Il avait fait fortune, mais il avait gardé ses colères sauvages, et ne savait point dénouer une discussion autrement qu’avec le sabre.

Cela même lui avait fait une renommée dans la cité de Londres. Il était lion de par ses grands pistolets. Dans la ville anglaise, où toutes les sortes d’excentricités sont appréciées, on admirait fort ce marchand qui avait eu cinquante duels et jamais de procès.

Le pauvre chevalier de Reinhold aurait mieux aimé avoir cinq cents procès qu’un seul duel.

Aussi, à voir le baron de Rodach accepter si aisément ses ouvertures, il ne se sentait pas de joie.

C’était là un succès ! le baron allait affronter la bataille à sa place, et lui retirer les marrons du feu. — Quel digne homme que ce M. de Rodach !

Comme il était venu à propos, avec ses grands airs de menace qui avaient abouti à toutes sortes de gracieusetés ! Il payait les dettes de la maison ; il promettait de l’argent pour cette fête d’Allemagne, qui était comme le va-tout du jeu hardi que jouaient les associés de Geldberg ; il se faisait fort de réparer quelque jour la maladresse de ce coquin de Verdier ; enfin, il acceptait une mission diabolique qui pouvait réussir, mais où il y avait assurément des balafres en perspective.

Et tout cela pour recouvrer des créances auxquelles, la prospérité une fois revenue, on tâcherait bien de ne point faire honneur !