Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/509

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La vieille femme s’appuyait d’une main à la muraille, et contenait de l’autre sa poitrine soulevée : elle était trop faible contre les émotions navrantes qui lui emplissaient le cœur ; le poids de son corps faisait fléchir ses genoux, et des larmes coulaient le long des sillons de sa joue.

Ses lèvres s’entr’ouvrirent enfin. Elle murmura un nom d’une voix plaintive et brisée…

M. le baron de Rodach dressa l’oreille à ce nom, qui éclaira son esprit tout à coup.

Le chevalier voulut faire semblant de ne l’avoir point entendu, mais sa détresse augmenta, et quelques gouttes de sueur percèrent sous sa fausse chevelure.

La vieille femme se soutint encore durant use seconde, puis sa poitrine rendit un sanglot déchirant. Elle chancela et se laissa choir comme une masse inerte sur la banquette.

Rodach s’élança pour la secourir. Durant une minute entière, il la tint entre ses bras.

Reinhold ne bougeait point.

Quand la vieille femme eut repris un peu de force, Rodach se pencha à son oreille.

— Vous êtes madame Regnault ? dit-il tout bas.

Elle fit un signe affirmatif.

— Pauvre mère !… murmura le baron, dont le regard s’émut de pitié.

— Monsieur le chevalier, reprit-il à voix haute en regagnant le milieu de l’antichambre, — je ne permettrai pas que vous me reconduisiez plus loin… Voici une pauvre dame qui voudrait vous parler en particulier… Je vous laisse avec elle.

La paupière de Reinhold se souleva pour lancer au baron un coup d’œil incisif et perçant.

Il semblait chercher un sens détourné aux paroles de M. de Rodach ; mais le visage de celui-ci était ce que nous l’avons vu depuis son entrée à l’hôtel, sérieux et calme.

— Je connais cette bonne dame, poursuivit-il en saluant pour prendre congé ; c’est une marchande du Temple, nommée madame Regnault… Elle est malheureuse plus que je ne puis vous dire, et si ma recommanda-