Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/550

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» Une porte s’ouvre à quelques pieds au-dessous du sol du pavillon ; — et ne croyez pas que ce soit un rêve ! ces bruits sont distincts : je les ai entendus vingt fois et toujours à la même heure. Le pas reprend sa marche au-dessous de moi. Quand je reste dans ma chambre, il s’assourdit bientôt et s’éteint ; mais, à quatre ou cinq reprises différentes, j’ai ouvert la porte de la serre et je l’ai suivi.

» On l’entend tout le long du jardin et jusqu’au bout de la serre, qui est terminée par un kiosque où personne n’entre jamais.

» Arrivé là, le marcheur souterrain ouvre une seconde porte et le bruit cesse…

» Le soir, aux environs de cinq heures, la même chose se renouvelle, mais en sens contraire.

» Les pas viennent du jardin, passent sous le pavillon et montent lentement l’escalier qu’ils ont descendu le matin.

» J’ai interrogé le jardinier pour savoir si l’hôtel a des caves de ce côté, le jardinier s’est pris à rire.

» J’ai demandé à ma femme de chambre, qui m’a regardée comme on regarde les gens pris de folie.

» Pourtant ce n’est point une illusion. Quelque chose de bizarre se passe dans l’hôtel, à l’insu de tous…

» La solitude donne des frayeurs superstitieuses, et je suis seule toujours. Je garde ce pavillon, parce que personne n’y vient me déranger, mais je n’oserais pas y demeurer la nuit, et j’ai fait faire mon lit dans une autre partie de l’hôtel…

»… Pauvre fille que je suis ! Mon esprit est malade ! Me voilà comme ce tyran de mélodrame qui entendait marcher dans son mur ! Ce n’était point de cela que je voulais vous parler, Otto, et si j’avais près de moi une oreille amie, ces frayeurs d’enfant passeraient.

» J’ai bien rencontré ici une jeune fille de mon âge que je pourrais aimer.

» Elle est presque aussi belle que mes sœurs, et son doux visage annonce une bonne âme. Elle se nomme Denise. Dès la première fois que je l’ai vue, je me suis sentie attirée vers elle, et j’aurais voulu l’appeler mon amie.