Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/58

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pour lui, c’était de poursuivre son œuvre ; — et, une fois son œuvre accomplie, qu’importaient les biens de Bluthaupt.

Ne lui suffirait-il pas d’un alambic et d’un creuset pour faire son fils plus riche que tous les rois de l’univers !…

Il accepta, et mit sa signature au bas d’un acte savamment libellé par maître Zachœus Nesmer.

À dater de ce jour, le comte Gunther fut le plus fortuné seigneur des États germaniques.

Zachœus avait toujours de l’or à sa disposition, le Grand-Œuvre marchait à souhait, au dire de Fabricius Van-Praët, qui était la véracité personnifiée, et le docteur portugais affirmait sous serment que des indices, à lui connus ; annonçaient d’une manière positive la prochaine régénération du sang de Bluthaupt.

Le même précieux docteur, mis dans la confidence de la vente sous condition, avait composé un breuvage qui devait tromper tous les calculs de l’acheteur Mosès Geld, et prolonger la vie du comte au delà des limites d’un siècle.

Tout allait pour le mieux, comme on le voit, et Gunther était entouré d’amis incomparables.

Comme si le hasard eût voulu donner raison aux pronostics du docteur, Margarethe devint enceinte. — Tout le monde fut étonné ; le docteur fut le plus étonné de tous.

Gunther passa tout le temps de la grossesse de sa femme à fondre du plomb, à distiller des drogues et à boire le fameux breuvage de la vie.

Ces neuf mois furent pour lui un temps joyeux, mais ils le vieillirent de dix ans.

Les six associés, cependant, dont Mosès Geld n’était que le prête-nom, connaissait la chance que l’état de la jeune comtesse Margarethe leur faisait courir. Ils avaient eu neuf mois pour aviser et se préparer à tout événement.

Le terme était écoulé ; c’était à cette circonstance que faisait allusion le message porté à Francfort par le courrier Fritz. — L’heure était venue…

Dans le lit entouré de ses rideaux épais, la comtesse Margarethe éprouvait les premières douleurs de l’enfantement.