Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/596

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partie quotidienne, Mira et Reinhold durent obéir à un signe de Sara, qui les appelait dans une embrasure.

Esther et le jeune M. Abel étaient assis auprès l’un de l’autre devant le foyer. Ils n’avaient pas grand’chose à se dire, mais il s’opérait entre eux comme un muet et fraternel échange d’ennui : leurs bâillements étouffés se croisaient avec beaucoup de sympathie.

— Que vous a-t-il dit ?… demandait Petite aux deux associés.

— Belle dame, répliqua Reinhold, le respectable monsieur baisse considérablement à mon sens !… il est à croire qu’il avait en effet quelque chose à nous communiquer, puisqu’il prenait la peine de nous appeler près de lui… Mais quand le digne homme nous a tenus tous les deux sous sa main, attentifs et pressés de savoir, son caprice a changé… Il n’avait plus rien à nous dire.

— Est-ce bien vrai ? demanda Petite, en s’adressant à Mira.

Reinhold s’inclina en souriant pour la remercier de cette preuve de confiance.

— C’est vrai, dit Mira gravement.

Petite lui montra du doigt un siège qu’il alla chercher aussitôt. Petite s’assit au fond de l’embrasure, et les deux associés se tinrent debout devant elle.

Ils se prirent à parler tous les trois à voix basse…

Auprès de la cheminée, on n’entendait pas même le bruit de leurs chuchotements. La voix de Lia s’élevait seule, pure et douce, dans le silence du salon…

D’ordinaire, le vieux Moïse écoutait la lecture avec attention, car il faisait montre d’une piété grande et d’un profond attachement aux pratiques de sa religion. Aujourd’hui, son regard était distrait, et il y avait dans toute sa personne des marques d’agitation. Son front chauve se penchait parfois tout à coup sous le poids d’une pensée pénible ; puis ses petits yeux gris se relevaient vifs, inquiets, perçants ; ses lèvres remuaient comme pendant le repas, sans produire aucun son.

Ce n’était point, assurément, la lecture de la Bible qui pouvait ainsi l’émouvoir.

Il y avait un gros quart d’heure déjà que madame de Laurens et les