Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/69

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âme à Satan, pour la promesse d’un héritier mâle de son nom… Le croyez-vous, Hans ? »

— Non, répondit le page dont la physionomie franche et résolue exprimait une naïve curiosité ; — je crois en Dieu, mais je pense que le diable n’a pas le loisir de signer des contrats avec les pécheurs.

L’esprit de Gertraud n’était pas de cette force-là. Elle reprit en secouant sa jolie tête bouclée, d’un air solennel :

— De plus vieux que nous le croient et le disent. Je souhaite que cela ne soit point… Mais que pensez-vous des Trois Hommes Rouges, Hans ?…

— Les Trois Hommes Rouges ?… répéta le page.

Gertraud étendit sa main potelée vers l’une des armures de fer, et montra les trois bustes sanglants figures sur le champ noir de l’écusson de Bluthaupt.

— Les Trois Hommes Rouges que nos maîtres portent dans leurs armoiries, depuis des milliers d’années, reprit-elle avec emphase ; — les trois démons qui veillent aux destinées de Bluthaupt !… Hans, il est impossible que vous n’ayez jamais entendu parler de cela ?

— En effet, répondit le page en souriant, — je crois me souvenir… On les voit arriver comme un présage, lorsqu’un événement important se prépare… Ils viennent aux mariages, aux naissances, aux morts…

Hans s’interrompit pour faire un geste d’incrédulité.

— Voyez-vous, Trudchen, reprit-il, — il y a tant de légendes sur la maison de Bluthaupt… tant de superstitieuses traditions… tant de mensonges !…

— Ceci n’est pas un mensonge, dit Gertraud.

— Comment ! vous croyez à l’existence des Hommes Rouges ?…

— Il faut bien que j’y croie, Hans…

— Pourquoi ?

— Je les ai vus !

Gertraud prononça ces derniers mots d’une voix basse, mais fortement accentuée…

Hans hésita franchement entre un éclat de rire et un vague mouvement de frayeur.

Il était du pays et si sa nature intrépide avait la bonne volonté de se