Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/694

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Maintenant que la fatigue l’avait vaincue, son sommeil ressemblait à la mort.

Ses traits vieillis et tirés gardaient, parmi l’anéantissement de son être, leur expression de navrante angoisse. Sa pâleur avait des teintes plombées ; ses paupières perdues dans leurs orbites creuses, semblaient attendre la main chrétienne qui ferme les yeux des cadavres.

Son souffle, faible, sifflait tout bas dans sa gorge ; ses cheveux blancs s’échappaient de son bonnet et mêlaient leurs mèches autour de sa face amaigrie.

Auprès d’elle, Victoire était agenouillée sur la terre ; sa tête s’appuyait contre la couverture que ses larmes avaient baignée.

Le sommeil l’avait évidemment surprise au milieu de son devoir pieux ; elle avait dû s’interrompre à moitié d’une consolation entamée, en voyant la mère Regnault succomber enfin à la fatigue ; puis elle n’avait plus osé bouger, de peur de troubler ce sommeil qui était une trêve aux douleurs de la pauvre aïeule.

On ne voyait point son visage qui s’appuyait à la couverture ; ses mains, qui pendaient sous elle, restaient jointes et gardaient l’attitude de la prière.

C’était un tableau triste et tout plein de désolation. Le visage de Victoire n’avait pas besoin de parler ; sa pose seule semblait dire toute l’immensité de sa détresse.

Quant à la vieille femme, la lumière jouait dans les rides de sa face et montrait son agonie.

Jean s’était arrêté à deux pas du lit ; il voyait tout cela ; il avait le cœur brisé.

En ce moment, il oubliait le motif de sa venue et ne savait plus que Polyte l’attendait au dehors.

Il ne savait plus rien ; sa pensée s’arrêtait ; ce désespoir muet et sans bornes agissait sur lui comme une contagion.

Il tomba sur ses genoux au côté de sa mère. Machinalement, sa tête brûlante voulut se cacher dans les couvertures ; mais il se redressa en frissonnant : son front avait touché l’humidité froide des larmes…

Il se remit debout et chercha ses idées dans son cerveau. La conscience