Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/72

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» Et il restait là, immobile, comme si la foudre l’eût frappé dans cette position.

» Ses regards se fixaient avec une sorte de stupeur vers la petite porte de l’oratoire.

» Mes yeux suivirent les siens. — Sur mon salut, Hans, je dis la vérité ! — Les Trois Hommes Rouges étaient debout devant le seuil… »

Le page tourna son visage du côté de cette porte mystérieuse. Il y avait sur ses traits, rendus à leur caractère naïf, un peu de défiance encore, avec tous les signes d’un puissant intérêt excité.

— Ce n’était point l’étranger qui m’avait éveillée, reprit Gertraud, mais bien le bruit de la porte, ouverte avec violence par les Trois Hommes Rouges.

— À quel signe pûtes-vous donc les reconnaître ? demanda Hans qui l’interrompit en ce moment.

— Je les voyais comme je vous vois, répondit la jeune fille ; — mes yeux ne se troublèrent que plus tard… à moins que l’émotion de cette heure terrible ne m’eût aveuglée à mon insu, je puis affirmer devant Dieu qu’il y avait là trois hommes, vêtus de longues robes écarlates et dont les visages disparaissaient sous des coiffures rouges comme le feu de l’enfer…

— C’est étrange ! murmura le page.

Gertraud poursuivit.

— Chacun d’eux avait à la main une longue épée dont la lame rejetait en sombres étincelles les vacillantes lueurs de la lampe.

» Tous les trois avaient la même taille et la même apparence.

» Leur immobilité dura la dixième partie d’une minute, qui me sembla longue comme une heure. Moi je restais à cet endroit même où nous sommes, terrifiée et incapable de me mouvoir. — La lampe envoyait à peine jusqu’à moi ses rayons affaiblis : je pense qu’on ne m’apercevait point.

» Deux des Hommes Rouges s’ébranlèrent à la fois et voulurent s’avancer vers l’intérieur de la chambre ; mais le troisième les retint d’un geste impérieux. Il prit à l’un d’eux son épée, et fit quelques pas à la rencontre de l’étranger.