Jusqu’à l’arrivée de mademoiselle d’Audemer elle n’avait songé qu’au plaisir de les voir tous deux surpris, tous deux bien heureux, rougir, balbutier, et s’entre-sourire. À présent, elle avait des doutes plein l’esprit ; elle ne savait plus si son zélé n’était point une offense.
Elle restait là auprès de sa compagne, l’œil effarouché, le front pourpre.
— Eh bien ?… répéta Denise.
— Mon Dieu ! ma chère demoiselle, répliqua Gertraud qui était tout entière à sa frayeur ; je vous promets que j’ai fait pour le mieux !
Sa voix tremblait légèrement. Denise leva les yeux sur elle et son regard prit une expression inquiète.
— Serait-il donc arrivé un malheur ? murmura-t-elle.
— Non, oh non ! s’écria Gertraud vivement ; j’ai vu M. Franz, il n’a plus rien à craindre… au contraire, je crois qu’il a sujet d’être bien content.
— Tu ne me trompes pas, Gertraud ?
— Oh ! Mademoiselle.
Ces deux mots avaient un accent de reproche ; mais Gertraud tenait toujours ses yeux baissés.
Denise la considéra un instant en silence. Elle remarqua que le regard de la gentille brodeuse glissait bien souvent entre ses paupières demi-closes, et allait chercher la porte de Hans Dorn.
— Qu’avez-vous, Gertraud ? dit-elle, jamais je ne vous ai vue ainsi !…
C’était la première fois, depuis bien longtemps, que Denise omettait de la tutoyer ; mais Gertraud n’eut pas le loisir de s’attrister, parce qu’un bruit se fit dans la chambre de son père. C’était Franz, dont la courte patience était à bout déjà.
Gertraud remua sa chaise et se mit à tousser ; son embarras devenait de plus en plus visible.
— Gertraud, reprit mademoiselle d’Audemer, qui ne pouvait manquer de rapporter ce trouble à sa position personnelle, je suis forte, vous le savez… je vous en prie, ne me cachez rien !
— Je ne vous cache rien, chère demoiselle, répliqua Gertraud.
Mais comme elle allait commencer, l’idée de Franz embusqué dans la