Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/743

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Franz se frotta les mains, comme si la pensée du danger évité eût redoublé tout à coup son contentement.

— Mon Dieu ! dit-il, avec une pitié profonde pour son sort de la veille, je ne sais pas vraiment comment j’avais le front d’espérer !… C’était vous, Denise, qui souteniez mon courage ; je connaissais votre cœur ; je savais qu’il n’y avait en vous que noblesse et bonté… Je ne songeais point à ma misère, étourdi que j’étais ! et l’idée de la vicomtesse ne me venait point, parce que je ne pensais qu’à vous. Mais maintenant, ajouta-t-il en prenant un air grave, il faut voir les choses sérieusement… des qu’il s’agit de vous, Denise, la légèreté devient un crime… Écoutez ! il me faut quelques jours encore pour connaître le nom de mon père ; d’ici-là je resterai prudemment à l’écart, et j’attendrai une certitude pour me présenter à madame la vicomtesse d’Audemer.

C’était de la sagesse ; Denise fit un signe d’approbation.

— Et pensez-vous, reprit Franz, qu’en arrivant avec mes titres et ma fortune, je sois exposé à essuyer un refus ?

— Ma mère est bonne, répondit Denise : je lui dirai que je vous aime…

Franz serra la main de la jeune fille contre ses lèvres.

— Chaque fois que j’entends ce mot tomber de votre bouche, dit-il, j’ai peur de faire un songe trop heureux… c’est bien vrai, pourtant, vous êtes là ! Tout ce que je voyais dans la folie de mes rêves, Dieu l’a réalisé. Oh ! que vous êtes belle, Denise, et que j’aime à vivre !… Nous sommes jeunes, notre avenir est long comme un siècle, et pas un nuage ! partout votre beau sourire ! rien que du bonheur !…

Il s’arrêta ; son cœur était plein. Les paroles manquaient à son enthousiasme. Un instant, il demeura silencieux et recueilli, contemplant Denise avec adoration.

La jeune fille le regardait aussi : elle était entraînée et convaincue. Nul doute ne venait à son esprit charmé. L’illusion contagieuse passait de lame de Franz dans son âme, et sa pensée ravie se berçait en de molles caresses. Elle ne songeait point à interroger : elle croyait.

Elle était si heureuse de croire !

Leurs chaises s’étaient rapprochées, nous ne savons comment. Ils étaient là près l’un de l’autre ; leurs traits semblables se touchaient presque ; les