Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Regnault est un fin matois, reprit Nesmer ; — nous le verrons arriver, je gage, après la besogne finie.

— Et le beau madgyar, ajouta Van-Praët, — n’aime point de passion les assauts où l’on ne se sert ni du pistolet ni du sabre… Après cela, nous finissons le 31 octobre et c’est la nuit de la Toussaint… Qui sait s’ils n’ont pas trouvé des esprits derrière la Hœlle ?

Mira haussa les épaules et Zachœus tâcha de ne point paraître effrayé.

— Quant à l’honnête Mosès, dit le docteur, — il est, comme toujours à son poste le premier… mais…

Il regarda tour à tour le Hollandais et l’intendant :

— Eh ! eh ! fit-il avec une espèce de sourire qui, sur un autre visage, eût passé pour une fort lugubre grimace.

— Eh ! eh ! répéta Zachœus.

— Peuh-euh !… souffla le gros Van-Praët.

— Sans doute, sans doute, reprit l’intendant qui formula enfin sa pensée ; — il y a longtemps que nous sommes édifiés là-dessus… Nous ferions parfaitement l’affaire à nous trois, et nos parts monteraient au double.

— C’est juste, répliqua le docteur.

— C’est juste, appuya Van-Praët.

Et tous les trois prolongèrent à l’unisson un énorme soupir.

— C’est le danger des mauvaises connaissances, reprit Zachœus Nesmer d’un ton niais et grave qui l’eût fait prendre pour le plus honnête philistin qui fût en Allemagne.

— C’est la suite d’une première démarche fausse, ajouta le digne Van-Praët.

— Nous n’en serions pas là, — reprit Zachœus très-sérieusement, — si nos parents nous avaient laissé seulement à chacun un ou deux milliers de florins de rente…

Le docteur approuvait du bonnet ces philosophiques réflexions ; puis tous les trois tournaient leurs regards vers la pendule, et maudissaient leurs associés en retard.

— Allez donc voir si l’affaire avance, docteur, dit Van-Praët.

José Mira introduisit sa tête rase et difforme sous les rideaux de l’alcôve.

Cette fois, aucune plainte ne se fit entendre.