Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/834

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Rodach, elle ne se borne pas à tremper dans le complot des associés… elle agit par elle-même… c’est elle qui amènera Franz au château… en même temps que Franz, elle attirera en Allemagne un homme à qui ses duels ont fait une célébrité…

— Encore un combat inégal ! interrompit Hans.

— Elle y compte.

— Et pensez-vous pouvoir l’empêcher ?

— Je l’espère.

Hans secoua la tête.

— C’est qu’elle est bien belle ! dit-il, et ceux qui l’aiment perdent leur conscience.

— Celui dont je vous parle, interrompit le baron, dont la lèvre fut effleurée par un sourire, ne l’aime pas… Mais ce n’est là qu’une chance faible ; la volonté de cette femme est de fer, et si les bras des hommes lui manquent, elle frappera elle-même…

— Gracieux seigneur, dit Hans, qui pâlit à l’idée de cette main de femme cachant la mort sous la grâce décevante de ses caresses, le danger est partout, je le sais bien, mais à Paris, maintenant que nous sommes prévenus, nous pouvons lui faire une garde et veiller sur lui nuit et jour… là-bas, dans ce sauvage pays…

— Nuit et jour nous veillerons, interrompit Rodach. Souvenez-vous, ami Dorn, que nous n’avons pas seulement une vie à garder, mais aussi à reconquérir un noble héritage… Qu’importe que Bluthaupt vive, s’il vit obscur et vaincu !… C’est en Allemagne, sur les domaines mêmes des vieux comtes, que je vois notre vrai champ de bataille… Il est encore sur la montagne des gens qui se souviennent de Bluthaupt… Entre des ennemis puissants et des amis fidèles, que Dieu soit avec l’enfant !… Il restera dans la maison de son père vainqueur ou mort.

Le visage de Rodach était hautain et grave ; son accent seul trahissait la profondeur de son émotion.

Il avait les bras croisés sur sa poitrine. Tandis qu’il prononçait ces dernières paroles, ses yeux allèrent au ciel avec une expression d’ardente prière.

Hans Dorn l’écoutait, les mains jointes et la tête inclinée.