Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/84

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— C’est vrai, murmura-t-elle.

— Le comte à l’agonie, reprit Hans ; — la comtesse aux mains de ce médecin de malheur ! Il y a des hommes aussi méchants que les démons, Gertraud, et ce que craignent les vassaux de Bluthaupt pourrait bien arriver, sans que l’enfer se mît de la partie.

— Que voulez-vous dire ? balbutia la jeune fille terrifiée.

Hans secoua la tête et ne répondit point.

Au bout de quelques secondes de silence, les traits de Gertraud se rassérénèrent : une idée consolante venait de traverser son esprit.

— Hans, dit-elle avec une conviction naïve, — j’espère que vous vous trompez.

— Dieu le veuille ! murmura le page.

— S’il devait arriver malheur, reprit Gertraud en baissant les yeux, — les Trois Hommes Rouges seraient venus !

Malgré sa peine, Hans eut un sourire en écoutant ces paroles.

— Qui sait s’ils ne vont pas venir ?… répliqua-t-il.

En même temps il se leva, comme s’il eût voulu secouer le fardeau de son inquiétude ; — il s’approcha de la fenêtre et jeta son regard distrait au dehors.

Il poussa un léger cri de surprise, qui attira Gertraud auprès de lui.

L’immense cour du château était entièrement blanche de neige.

Gertraud serra fortement le bras de Hans.

— La cour était ainsi, murmura-t-elle d’une voix étouffée, — cette nuit où j’ai vu les Hommes Rouges dans la chambre où nous sommes.

— Petite folle ! murmura Hans, qui voulut encore sourire.

Mais en ce moment il tressaillit malgré lui, tandis que Gertraud chancelait épouvantée.

On frappait rudement à la porte de la grille.