Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/93

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— Je ne veux point diminuer vos mérites à chacun, poursuivit le Hollandais. — C’est vous, Zachœus, qui nous avez ouvert les portes du château… Je propose de boire à votre santé !

On but à la santé de l’intendant.

Van-Praët continua :

— C’est vous, digne Geld, qui avez fourni les dix ou douze mille florins nécessaires à la conclusion de la vente… Je porte un toast en votre honneur !

On but à la santé du juif.

— Mais c’est moi, reprit le gros Batave, qui ai inventé ces compensations ingénieuses au moyen desquelles les dix ou douze mille florins de Geld ont suffi à payer des centaines de mille francs… Vous auriez eu beau faire danser les tiroirs du coffre-fort, maître Zachœus… vous auriez eu beau prêter à deux cents pour cent d’intérêt, digne Mosès, jamais vous n’auriez pu nouer ensemble les deux bouts de l’année… Il a fallu pour cela mes cornues, mon creuset, mes formules savantes, et tout l’attirail du grand-œuvre.

— Vous êtes un remarquable escamoteur, Van-Praët, interrompit Regnault ; — qui songe à prétendre le contraire ?

— Les ducats de Mosès, continua le Hollandais, — les épargnes de Zachœus et les revenus de Bluthaupt, tout cela me passait entre les mains et payait le restant de la rente. — Je propose de boire deux fois à ma santé.

La motion fut acceptée tout d’une voix.

— En somme, dit le madgyar, combien nous reviendra-t-il à chacun ?

— J’ai dans ma poche, répliqua l’intendant, l’état détaillé des biens de Bluthaupt et de Rothe, qui a servi de base au contrat de vente… J’ai fait de ces biens six portions aussi égales que possible… Nous les tirerons au sort.

— Montrez-nous cet état, dit Regnault.

Zachœus tira de sa poche un parchemin et le déplia sur la table. Les cinq convives se levèrent à la fois et avancèrent leurs têtes au-dessus de la pancarte, couverte d’une écriture fine et serrée.

Le madgyar se rassit le premier.