Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/103

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Ce trio de lettres avait apporté chez eux un changement notable. Jusqu’à l’arrivée de Klaus, ils avaient été tristes et découragés ; maintenant un joyeux et bon vent semblait avoir soufflé sur leurs fronts. Reinhold avait recouvré son air avantageux et fanfaron ; le visage fade du jeune M. Abel rayonnait de contentement et de fatuité ; le docteur lui-même avait déridé ses gros sourcils, et n’avait plus l’air sinistre qu’à moitié.

Ils se regardèrent en silence durant quelques secondes, puis le chevalier de Reinhold, en sa qualité d’homme expansif et franc, se chargea de rompre la glace ; il se frotta les mains de tout son cœur.

— Allons ! dit-il en montrant du doigt la pendule qui marquait trois heures passées, dans une heure la caisse fermera, et nous l’aurons échappé belle !

— Bah ! fit le jeune M. de Geldberg ; échappé belle !… Comment l’entendez-vous ?

Il avait eu grand’peur, mais il ne s’en souvenait plus.

— J’entends, répliqua Reinhold avec suffisance, que, sans moi, les paiements de la maison seraient vraisemblablement suspendus à l’heure qu’il est.

Abel haussa les épaules.

— Bah ! fit-il encore ; pour ma part je n’ai rien craint du Madgyar Yanos… Le véritable danger était du côté de Van-Praët qui est un homme d’argent… et si la maison était véritablement menacée, c’est moi qui lui ai servi de bouclier.

— Mon jeune ami, répliqua Reinhold avec un salut ironique, je n’attendais pas moins de votre modestie éclairée.

La discussion allait s’échauffer.

— Modérez-vous, Messieurs, dit le docteur ; le temps passe, il est vrai, mais jusqu’au coup de quatre heures bien des choses peuvent arriver !…

— Nous sommes gardés du côté du Madgyar, s’écria Reinhold.

— En êtes-vous bien sûr ?

— Parfaitement sûr.

— Et nous n’avons rien à craindre de meinnerr Van-Praët, prononça fièrement Abel.

— C’est une chose certaine ? demanda le docteur.