— Il viendra avec nous… cela coûtera bien cher, n’est-ce pas ?… mais j’ai tant souffert, ma pauvre fille ! je te demande cette joie, de revoir mon Jean bien-aimé avant de mourir !
Victoire n’avait plus rien à répondre, et le départ fut fixé au lendemain.
Geignolet était là quelque part dans un coin, écoutant d’une oreille et dormant d’un œil.
Il se glissa au dehors et s’assit sur les marches poudreuses de l’escalier.
Ses yeux, fixés au sol, avaient comme une lueur de réflexion.
Il tira de sa poche son grand clou aiguisé qui avait maintenant du plâtre jusqu’à la tête.
Geignolet n’avait trouvé que de rares occasions de travail, depuis cette soirée où l’absence de Hans Dorn avait favorisé sa besogne, pendant l’entrevue de Franz et de Denise. Il était prudent et patient ; malgré la vivacité de son désir, il savait attendre.
— Je ne veux pas m’en aller, grommela-t-il en quittant la marche où il s’était assis pour se mettre à cheval sur la rampe, sans avoir fini mon trou… Et le père Hans qui reste maintenant chez lui tous les soirs !…
Il fit une grimace de mauvaise humeur et donna un grand coup de poing sur la rampe.
— Hue ! bourrique !… s’écria-t-il.
Puis il se prit à chanter sourdement :
Si j’étais assez fort,
Je passerais mes deux mains par le trou,
Quand le père Hans est dans son lit,
Et je prendrais son cou ;
Car je sais bien comment on fait
Pour étrangler, pour étrangler…
La bonne aventure, ô gué !
Ses lèvres s’écartèrent en un sourire ; une lueur fauve et fugitive s’alluma dans sa prunelle, puis sa face redevint morne tout à coup.
Il se laissa glisser le long de la rampe jusqu’au bas de l’escalier et vint s’accroupir derrière la porte de la cour.
Il s’appuya contre la muraille, immobile et feignant de sommeiller.