— Voyez-vous cela ! dit Gertraud, qui le regarda en dessous.
— Mais, reprit Franz, je suis un pauvre diplomate, et je n’ai rien pu contre la discrétion de Hans Dorn… Voyons, petite sœur, ajouta-t-il d’une voix insinuante et pleine de caresses ; avec vous, je ne joue pas la comédie… je vous prie tout simplement en grâce de me dire ce que vous savez.
— Je ne sais rien, répliqua Gertraud en rougissant.
Franz secoua la tête.
— Vous savez, reprit-il tristement, mais vous ne voulez rien dire… j’aurais pourtant grand besoin d’être consolé !… Excepté Denise, ma pauvre Gertraud, tout le monde est contre moi… La vicomtesse raffole de plus en plus de son chevalier de Reinhold, l’un des futurs directeurs du fameux chemin de fer… Julien lui-même, mon ancien ami, est au nombre de mes adversaires… La comtesse Lampion l’a tout à fait subjugué ! leur mariage est désormais une chose certaine, et le grand bal de la mi-carême leur servira de bal de fiançailles.
» Ces Geldberg ont tant d’argent ! moi, je suis pauvre toujours, malgré les dépenses que je fais… Julien et la vicomtesse voient en moi l’obstacle qui sépare Denise d’une immense fortune.
» Ils me guettent, ils m’épient… je ne puis plus approcher de Denise sans voir arriver M. le vicomte, un sourire impertinent sous la moustache, et tout prêt à me chercher querelle.
» Ma parole d’honneur je mourrais à la peine, s’il n’y avait pas ce bon ange de Lia qui nous console et qui nous aide !
» Mais Denise prend de l’inquiétude ; de toutes les promesses que je lui ai faites devant vous, là-bas, à Paris, pas une n’a été réalisé !
» Je lui avais dit : Je suis riche, je suis noble ; je vais savoir le nom de mon père… Hélas ! petite sœur, je ne mentais pas ! mais parfois mon cœur se serre, et une voix s’élève en moi qui me dit : Tu te trompais !… »
Il y avait un découragement amer dans l’accent du pauvre Franz.
Ces dernières paroles semblaient mendier une espérance et une consolation.
— Il n’y a pas de temps perdu, répliqua Gertraud, voilà quinze jours à peine…