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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/296

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— Mais qui vous fait croire ?… commença le docteur en s’adressant à Sara.

Madame de Laurens avait perdu cet air de rêverie heureuse qui faisait sourire ses traits naguère. Son joli visage, dépouillant pour un instant sa grâce exquise, revêtait une apparence froide et ferme ; sa voix elle-même, se transformant soudain, prenait ces inflexions sèches et cette précision rapide qui faisaient d’elle, au besoin, un excellent avocat.

— Mon opinion, dit-elle en interrompant le docteur, est que M. le baron de Rodach nous a suivis à Geldberg, et qu’il n’a pas quitté les environs du château depuis notre arrivée.

— Mais quel intérêt ?… voulut dire encore José Mira.

Petite hésita durant un instant.

— J’ai balancé longtemps, répliqua Petite, et cette question que vous m’adressez, docteur, je me la suis faite moi-même bien des fois… Je n’y puis pas répondre, aujourd’hui, plus qu’hier… Il y a entre nous et ce jeune Franz un mystérieux bouclier, contre lequel viennent se briser tous nos efforts.

— Ne peut-on mettre sur le compte du hasard ?… voulut dire Van-Praët.

— Si fait, interrompit Petite ; le hasard joue son rôle dans tout, et ce jeune Franz a du bonheur, je le sais… Mais le hasard est pour tout le monde, et s’il avait seul présidé à la lutte, sur tant de parties jouées, nous aurions bien une partie gagnée… Écoutez ! s’il ne fallait qu’une preuve de l’intervention d’un protecteur puissant dans la lutte engagée, je vous citerais l’étrange spectacle auquel nous avons tous assisté, le soir du feu d’artifice… Est-ce le hasard, pensez-vous, qui a détourné le mortier pointé par des mains exercées ?… est-ce le hasard qui a produit cette apparition inattendue des trois Hommes Rouges ?

Van-Praët et Mira ne trouvaient point de réponse ; le Madgyar écoutait de toutes ses oreilles.

Klaus cherchait autour de lui quelque chose à ranger, un moyen quelconque de prolonger son séjour dans la chambre.

— Souvenez-vous, reprit Sara ; le coup d’épée donné à Verdier dans le bois de Boulogne coïncida parfaitement avec l’arrivée du baron à Paris…