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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/326

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— Eh bien ! dit-elle ensuite en frappant son pied court et gros contre le parquet, faut avouer tout de même que ce n’est pas de la chance !

— Il faut que je voie la poitrine de la malade, dit le docteur ; tenez-moi la bougie…

C’est la chose redoutée, le mal terrible qui ne pardonne pas ; on le craint dans l’échoppe indigente comme dans les riches salons. C’est la mort cauteleuse, qui vient à pas lents et sûrs étouffer la belle jeune fille ou l’adolescent souriant au seuil de la vie.

Ce mot poitrine a dans la bouche des médecins un accent funeste, que chacun saisit et qui déchire le cœur des mères.

Elle est si cruelle, cette mort, qui semble choisir la jeunesse et la beauté ! et l’on voit tant autour de soi de ces pâles fleurs qui tombent !…

Par une sorte d’instinct charitable, Batailleur voulut cacher à madame de Laurens ce qui allait se passer.

Elle se mit entre le lit et la porte.

Le médecin Saulnier souleva la couverture ; il posa sa main, puis son oreille, contre la poitrine de l’enfant, dont le sommeil lourd continuait.

Non content de ces indices, il dénoua le cordon qui retenait la chemise de Judith, afin de compléter ses observations. Mais à peine la toile se fut-elle ouverte, que le docteur se redressa en fronçant le sourcil.

— Qu’est-cela ? dit-il.

Son doigt tendu montrait des taches bleuâtres qui marbraient la pauvre poitrine de l’enfant.

La bougie tremblait dans les mains de Batailleur.

— Serait-ce vous ?… commença Saulnier, dont les traits exprimaient du dégoût et de l’indignation.

— Moi ? se récria Batailleur avec énergie ; si je tenais celui qui a fait ça je l’étranglerais !

— Votre fille n’était donc pas avec vous à Paris ?

— On n’est pas millionnaire ; l’enfant était en place… Oh ! le vieux coquin d’Araby !

Saulnier ramena vers l’enfant son regard où il y avait une pitié profonde.

— Ce n’est pas vous, dit-il en s’adressant à Batailleur ; je le crois… Il