Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/498

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voudrais, car il y a en vous quelque chose qui me rappelle la franche loyauté de Treml… Mais je suis à l’enfant et je suis Breton : ne m’avez-vous point dit que vous venez pour anéantir les derniers restes de la résistance bretonne ?

— Si fait… quelques centaines de fous furieux. Quand la rébellion se sent faible, elle tourne au brigandage : je viens pour punir des bandits.

Jude réprima un geste de colère.

— De mon temps, murmura-t-il, messieurs de la Confrérie bretonne ne méritaient point ce nom.

— C’est vrai : ceux dont tu parles n’étaient que des maniaques entêtés… mais les Frères-Bretons sont devenus des Loups.

— Des Loups ? répéta Jude sans comprendre.

— Ils ont eux-mêmes choisi ce sauvage sobriquet. Ce n’est pas la Bretagne, ce sont les Loups que je viens combattre de par l’ordre du roi.

Jude ne fut probablement pas persuadé par cette subtile distinction, car il se borna à répondre :

— Je ne sais pas ce que font les Loups, mais ils sont Bretons et vous êtes Français.

— N’en parlons plus ! s’écria gaîment le capitaine. Quant à la question de savoir si je suis Français ou non, c’est plus que je ne puis dire… Bois un coup, mon garçon.

Il tendit sa gourde de voyage à Jude qui, cette fois, n’eut aucune objection à soulever.

— Et maintenant, reprit le capitaine, orientons-nous : voici un sentier qui doit mener à Saint-Aubin-du-Cormier…

— C’est ma route ; répondit Jude, et nous allons nous séparer ici… car vous allez à Rennes, je pense ?

— Je vais au château de la Tremlays.

Jude tressaillit, puis il devint pensif.

— Vous êtes déjà venu dans le pays, dit-il après un silence, car vous le connaissez aussi bien que moi… Peut-être n’est-ce pas la première fois que vous allez au château de la Tremlays ?

— Peut-être, répéta le capitaine, qui sembla vouloir éviter une réponse plus catégorique.

— Si vous y êtes allé, continua Jude dont tous les traits exprimaient une curiosité puissante, — vous avez dû voir un jeune homme… un beau jeune homme… l’héritier de ces nobles domaines… l’unique rejeton d’une race qui est vieille comme la Bretagne…

— Tu le nommes ?

— Georges Treml.

Ce fut au tour du capitaine de s’étonner. Pour la première fois il rapprocha ce nom de Treml de celui du château, et il comprit que le vieux gentilhomme, dont il venait d’entendre la triste histoire, était l’ancien maître de la Tremlays.

— Je n’ai jamais vu ce jeune homme, répondit-il.

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