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XX
AVANT ET APRÈS DÉJEUNER.


Vaunoy et l’intendant royal semblaient de fort heureuse humeur. Ils s’avancèrent avec empressement vers Didier, qui avait peine à se remettre et gardait une contenance embarrassée.

— Nous arrivons ici, mon cher hôte, guidés par vos éclats de rire… La promenade solitaire vous rend-elle donc si joyeux ?

— Ai-je ri ? demanda machinalement Didier.

— Oui, saint-Dieu ! vous avez ri.

— Le fait est que vous avez ri, dit Béchameil. J’ai l’honneur de vous présenter le bonjour,

— Je ne me souviens pas… commença Didier.

— Eh ! dit Vaunoy, avisant le papier que celui-ci tenait encore à la main, c’est sans doute cette lettre qui causait votre hilarité matinale ?

— Je ne serais pas éloigné de le croire, appuya Béchameil. Veuillez me donner, je vous prie, des nouvelles de votre santé.

Didier froissa la lettre et la déchira en tout petits morceaux. Cela fait, il salua l’intendant royal et lui répondit par quelque banale politesse. M. Béchameil avait complètement mis bas ses fâcheuses dispositions de la veille. Vaunoy venait de lui faire entendre qu’il n’avait rien à craindre d’un semblable rival, et que la main d’Alix lui était assurée. Aussi se sentait-il porté vers Didier d’une bienveillance inaccoutumée. Quant à Vaunoy, il n’avait point dépouillé son masque de bonhomie. On eût dit un brave oncle abordant son neveu chéri.

— Messieurs, dit le capitaine, dont la froideur contrastait fort avec la cordialité de ses hôtes, vous plairait-il que nous parlions maintenant de ce qui concerne le service de Sa Majesté ?

— Assurément !… répondit Vaunoy.

Et Béchameil répéta :

— Assurément !… pourtant, ajouta-t-il après réflexion, — je pense, sauf avis meilleur, qu’il serait convenable de déjeuner d’abord.

— Fi ! monsieur de Béchameil, dit Vaunoy en souriant.

— Mettez, monsieur mon ami, que je n’ai point parlé… Je préfère évidemment le service du roi au déjeuner et même au dîner !… Mais ceci n’empêche point qu’un déjeuner refroidi soit une triste chose… Nous écoutons monsieur le capitaine.

Didier tira de son portefeuille un parchemin sur lequel Vaunoy jeta les yeux