quelque souche de châtaignier ; — mais ces efforts n’aboutissaient qu’à retarder la marche des soldats. Aussitôt qu’ils avaient regagné la route, Un coup partait, un homme mourait. »
— Par le nom de Treml ! s’écria Jude, qui s’exaltait de plus en plus au récit de cette sauvage vengeance ; — je n’aurais jamais cru le pauvre Lapin-Blanc capable de tout cela… Sur ma foi ! c’est un vaillant garçon, après tout… Mais Vaunoy ?… n’essaya-t-il point de tuer ce mécréant de Vaunoy ?
— Attends donc !…
« Jean Blanc n’oubliait point Vaunoy, mon homme ; il faisait comme ces gourmands qui gardent le plus fin morceau pour la dernière bouchée ; il gardait Vaunoy pour la bonne bouche.
« Le moment vint où le dernier soldat vida la selle et se coucha par terre comme ses compagnons. Jean Blanc avait tué huit hommes et un collecteur des tailles. Il ne restait plus que Vaunoy. Celui-ci, plus mort que vif, poussait furieusement son cheval, rendu de fatigue. Jean Blanc mit deux balles dans son fusil et s’en alla l’attendre au dernier détour de la route sur la lisière de la forêt. »
— À la bonne heure ! interrompit Jude Leker en frappant ses deux mains l’une contre l’autre.
Le bon écuyer faisait comme ces gens du peuple qui se passionnent tout de bon pour les péripéties fabuleuses d’une pièce de théâtre. Il avait vu Vaunoy la veille, et pourtant il espérait sérieusement que Vaunoy allait être tué dans le récit de Pelo Rouan.
Celui-ci secoua la tête.
— Lorsque parut le nouveau maître de la Tremlays, poursuivit-il, Jean Blanc visa. Son âme passa dans ses yeux : rien au monde désormais ne pouvait sauver Hervé de Vaunoy… »
— Eh bien ? dit Jude, voyant que le charbonnier hésitait.
— Vaunoy regagna son château sain et sauf, répondit Pelo Rouan.
— Pourquoi… Jean Blanc le manqua ?
— Jean Blanc ne tira pas.
Jude laissa échapper une exclamation énergique de désappointement.
— Jean Blanc ne tira pas, reprit lentement le charbonnier, parce que le souvenir de Treml traversa son esprit à ce moment, et qu’il ne voulut pas anéantir, même pour venger son père, la dernière chance de connaître le sort du petit M. Georges.