Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/572

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— Mais que dois-je faire ? Ne puis-je aider Jean Blanc ?

— Va-t’en ! répéta impérieusement Pelo ; au nom de Dieu, va-t’en !… Quand l’heure sera venue, Jean Blanc saura te trouver.

Jude étonné se leva et se dirigea vers la porte de la loge. Avant qu’il eût passé le seuil, Pelo glissa du banc et se roula sur le sol où il se débattit en poussant des gémissements étouffés. Jude se retourna, mais lu jour baissait. La loge était de plus en plus sombre ; il aperçut seulement une masse noire qui se mouvait désordonnément dans les ténèbres.

— Qu’avez-vous, mon compagnon ? demanda-t-il encore en adoucissant sa rude voix.

Un cri d’angoisse lui répondit ; puis la voix de Pelo Rouan s’éleva brisée, méconnaissable, et dit pour la troisième fois :

— Va-t’en !

Jude obéit, et comme il n’avait point coutume de s’occuper longtemps des choses qu’il ne comprenait pas, à peine monté à cheval, il oublia Pelo pour songer uniquement à Jean Blanc, aux Loups et au moyen de prendre au piège Hervé de Vaunoy vivant.

En songeant ainsi il éperonna son cheval, et prit la route de Rennes où son nouveau maître lui avait donné rendez-vous.

On entendait encore le bruit des pas de son cheval sous le couvert, que déjà la porte de la loge se refermait. Fleur-des-Genêts était rentrée ; elle alluma une lampe. Pelo Rouan gisait à terre en proie à une furieuse attaque d’épilepsie.

La jolie fille était sans doute familière avec ces effrayants accès, car elle s’empressa aussitôt autour de son père, et le soigna sans manifester d’autre émotion que celle de sa douleur.

À la lueur de la lampe, la loge semblait moins misérable et plus habitable. On apercevait dans un coin une petite porte qui donnait issue dans la retraite de Marie. Au-dessus du manteau de la cheminée pendaient une paire de pistolets et un lourd mousquet de forme ancienne. Vis-à-vis et auprès de la porte se trouvait une de ces horloges à poids, comme on en voit encore dans presque toutes les fermes bretonnes.

Au moment où l’attaque du charbonnier sévissait dans toute sa force, on frappa d’une façon particulière à la porte extérieure, et Fleur-des-Genêts ouvrit sans hésiter. L’homme qui entra portait le costume des paysans de la forêt, et avait sur son visage le masque fauve dont il a été déjà plus d’une fois question dans ces pages. Il passa vivement le seuil.

— Où est le maître ? dit-il d’une voix brève.

Fleur-des-Genêts lui montra Pelo Rouan, qui, l’écume à la bouche, se tordait convulsivement sur la terre humide de la loge.

Le nouveau venu laissa échapper un juron de colère, et s’assit en murmurant sur un banc. L’accès dura longtemps. De minute en minute, le nouveau venu, qui était un Loup, regardait l’horloge avec impatience. Lorsque l’aiguille eut fait le tour du cadran, il se leva et frappa violemment du pied.

— Voilà une malencontreuse attaque, ma fille ! dit-il. Tu diras à ton père que