Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/635

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— Gardez toutes les issues ! s’écria-t-il. Je promets dix louis d’or à qui mettra le premier la main sur ce brigand !…

Il désignait Jean Blanc du doigt.

— Cet acte est contre moi, reprit-il en faisant effort pour contenir sa rage ; — je suis dépouillé, pillé… Mais, saint-Dieu ! je serai vengé !… Regardez bien cet homme, monsieur de Béchameil ; cette nuit, cinq cent mille livres vous ont été enlevées ; le capitaine n’a pas su les défendre, ou plutôt il les a livrées, et sans doute l’argent que voici — il montrait le coffre — est le prix de sa trahison !

— Infâme ! infâme ! balbutia Georges, mis hors de garde par cette incroyable audace.

M. de Béchameil était tout oreilles, et l’officier rennais semblait à demi convaincu.

— As-tu bien le courage de nier, Georges Treml ? poursuivit Vaunoy ; cet homme qui vient à ton secours n’est-il pas le même qui, cette nuit, a dirigé l’attaque ?

— Si j’avais su cela, grommela Goton, du diable si j’aurais fait le coup de fusil !

— Cet homme qui t’apporte de l’or, reprit encore Vaunoy, n’est-il pas de ceux dont le nom seul est une condamnation ?… En avant, bons serviteurs du roi ! emparez-vous du chef des Loups.

— Le Loup blanc ! s’écrièrent ensemble Béchameil, mademoiselle Olive, les soldats et les domestiques.

Ces derniers, en même temps, firent prudemment un mouvement de retraite. Les soldats s’avancèrent et entourèrent Jean Blanc.

— Saisissez-le ! s’écria Béchameil. — Ah ! brigand détestable ! tu vas me rendre mes cinq cent mille livres !

Mademoiselle Olive, au seul nom du Loup blanc, était tombée en pamoison.

Georges Treml avait tiré son épée, résolu à défendre l’homme qui l’avait servi si puissamment et qui était le père de Marie.

Mais il n’eut pas besoin de faire usage de son arme. Au moment où les sergents, rétrécissant leur cercle, allaient mettre la main sur le roi des Loups, celui-ci ramassa sous lui ses longues jambes et fit un bond extraordinaire qui le porta par-dessus la ligne des assaillants, jusqu’à l’une des fenêtres du salon. Les soldats demeurèrent stupéfaits. Jean Blanc se mit debout sur l’appui de la fenêtre.

— Quoi que tu fasses, Hervé de Vaunoy, dit-il, tu es vaincu… Tu n’auras pas même la vengeance !

— Feu ! feu !… Mais tirez donc ! hurla Vaunoy qui arracha le mousquet de l’un des soldats et mit Jean Blanc en joue.

Georges, d’un coup de son épée, détourna le canon, et la balle alla se loger dans les lambris.

— Nous nous rencontrerons encore une fois, Hervé de Vaunoy, reprit l’albinos sans s’émouvoir ; ce sera la dernière, et tous nos comptes seront réglés.

Il sauta dans la cour à ces mots, puis on le vit franchir la muraille extérieure avec la prodigieuse agilité qui lui était propre.

— Feu ! feu ! répéta Vaunoy, qui tomba épuisé sur un siège.

Les soldats firent une décharge. — Ce fut du bruit et de la fumée.

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