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III
LE GARDE-FRANÇAISE


Les cavaliers à qui le bel adolescent venait de faire un si gracieux accueil étaient tous les trois des hommes de grande taille et de vigoureux aspect.

Ils portaient un costume à peu près uniforme, qui tenait le milieu entre l’accoutrement des bonnes gens de la forêt et les habits des gentilshommes tels que la mode les eût exigés soixante ans auparavant.

Leurs longs cheveux étaient sans poudre ; leurs vestes d’étoffe grossière affectaient la forme du pourpoint des courtisans de Louis XIV. Au lieu de la culotte, ils portaient des chausses de toile larges et plissées, qui se rattachaient au-dessous du genou et joignaient l’échancrure de leurs bottes en gros cuir.

Ils étaient coiffés de casquettes en feutre gris. Tous les trois portaient le fusil en bandoulière et un long couteau de chasse à gaine.

Le bel adolescent était leur frère, et tous quatre avaient pour père le marquis de Carhoat, — l’homme à la peau de bique.

Ce dernier, suivi de Francin Renard, atteignit bientôt la clairière où s’étaient arrêtes ses fils.

Le paysan ôta son chapeau en entonnoir et fit un salut auquel personne ne répondit. — Le vieillard échangea des poignées de main avec les trois cavaliers, et mit un baiser sur les cheveux blonds du petit René, auquel il destinait paternellement le manteau du pauvre Martel.

Renard traînait par la bride le cheval à moitié mort.

— Que diable veux-tu faire de cette rosse, Francin ? demanda l’aîné des Carhoat.

— Sauf votre respect, monsieur Laurent, répondit le paysan, si je peux seulement le mener à Liffré, je le vendrai six bonnes livres au cordonnier qui fait vos bottes.

Les deux autres frères, qui se nommaient Prégent et Philippe, se prirent à rire comme si leurs chaussures, à eux, eussent été de fin cuir d’Espagne.