Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/676

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— Nous ne sûmes pas tout de suite ce qu’était devenue Laure, poursuivit Bleuette. Au bout d’un mois, pourtant, nous apprîmes qu’elle parcourait la province avec M. de Kérizat… Elle avait traversé Nantes et Vannes et Quimper, éblouissante de luxe, folle, étourdie, enivrée…

« Nous ne voulions point croire à un si grand malheur…, Lucienne pleurait en pensant à vous, Martel… et cette infortune qui tombait sur votre maison vous ouvrait davantage la porte de son cœur.

— Que Dieu la fasse heureuse ! murmura Martel, — bien heureuse !… et qu’il lui donne tout le bonheur que je n’espère plus !

— Au bout de deux mois, continua la jeune fille, Laure revint à Rennes avec son séducteur… Elle ne se cachait point… Elle mettait son orgueil à se parer de sa faute. Son luxe, étalé sans pudeur, écrasait l’élégance des phis nobles dames… Elle laissait Kérizat la promener insolemment et montrer à tous sa victoire.

Les yeux de Martel brûlaient parmi la pâleur de son visage.

— Mon père ne pouvait ignorer cela ! murmura-t-il d’une voix si basse que Bleuette eut peine à l’entendre.

— Votre père le savait, répliqua-t-elle.

— Que fit-il ?

— Rien.

— Et mes frères ? dit encore Martel.

Bleuette hésita un instant, puis elle répéta en secouant la tête :

— Rien.