Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/684

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Il fit durant presque toute la route les demandes et les réponses avec un véritable plaisir.

Il questionna, devança les répliques, parla de Paris d’où il venait, du pays de Rennes où il allait, des demoiselles de l’Opéra et des belles filles de la Haute-Bretagne.

Martel ne l’écoutait guère ; sa pensée était ailleurs…

Plusieurs fois pourtant son attention fut vivement éveillée, parce que le chevalier, entre vingt autres noms, prononça celui de la Topaze, la plus ravissante créature de France et de Navarre ! disait-il…

En ces moments, une question se pressait sur la lèvre de Martel. Ses yeux se baissaient : une rougeur épaisse lui montait au visage.

Mais sa bouche demeurait close, et il semblait qu’une force mystérieuse arrêtait sa parole au passage…

Le chevalier continuait de causer tout seul, de rire et de conter, ma toi, des anecdotes fort réjouissantes.

Il en agissait avec Martel comme un vieil ami. — Mais nous voudrions gager que trois minutes après l’avoir quitté au pont de la Vanvre, il l’avait oublié parfaitement.

L’orage n’était pas encore commencé, lorsque M. le chevalier de Briant arriva devant le perron de Presmes.

Presmes était un beau château, d’architecture assez bourgeoise, il faut le dire, dans ses parties modernes ; mais vaste et gardant çà et là quelques traits de la physionomie chevaleresque.

Au-dessus de la maîtresse porte, l’écusson de Presmes étalait ses émaux reconnus par la déclaration lie 1666 et qui ne remontaient pas néanmoins à une antiquité très-haute.

Presmes était famille de frontière, moitié angevine, moitié bretonne, moitié robe, moitié épée. Elle commençait on ne sait trop où, mais, depuis sa naissance, elle produisait d’excellents gentilshommes, bien riches, qui avaient de père en fils le noble talent de la vénerie.

Le seigneur actuel, qui se montrait le digne successeur de ses aïeux, tenait la charge de capitaine des chasses de la varenne de Liffré, retenue royale qui avait accédé à la couronne par le double mariage de la duchesse Anne.

De Quimper à Laval, du raz de Gatteville à Paimbœuf, on n’aurait point trouvé de veneur de sa force.

C’était un digne seigneur, qui ne se targuait ni de sa fortune, ni de sa noblesse, mais qui se vantait volontiers, de descendre par les femmes du célèbre Jacques du Fouilloux, gentilhomme du pays de Gastine en Poitou, auteur de la Vénerie, dédiée au très-chrestien roy Charles neufième, et d’être l’arrière-cousin du non moins célèbre sieur d’Yauville, premier veneur et ancien commandant de la vénerie du roi Louis XIV.

Il avait dans son salon les portraits authentiques de ces deux illustres chas-