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XIII
APRÈS BOIRE


Les Carhoat demeurèrent un instant étonnés et muets devant l’arrivée soudaine du chevalier.

Les paroles qu’il avait prononcées en entrant étaient une sorte de défi qui contribuait pour sa part à entretenir le trouble des trois jeunes gens.

Deux d’entre eux, Laurent et Philippe, ne prenaient point la peine de cacher ce qu’il y avait d’hostile et de menaçant dans leur surprise.

Prégent avait haussé les épaules, et s’était assis en disant : Bah !

Le vieux Carhoat avait rejeté en arrière ses longs cheveux blancs comme pour montrer sa belle et noble figure qui n’exprimait rien en ce moment, sinon les sentiments d’une hospitalité franche.

— Soyez le bienvenu, dit-il en remettant son couteau sous sa peau de bique ; — nous n’attendions personne par le chemin que vous avez pris… mais à cela ne tienne !… prenez place, je vous prie, et faites-nous raison…

Le chevalier jeta son manteau à Francin Renard, mit son feutre sur la table et s’assit.

Laurent et Philippe l’imitèrent. — Francin Renard n’osa point reprendre sa place.

— Je suis venu un peu tard pour parler d’affaires, dit le chevalier en regardant les trois fils de Carhoat. — Voici de beaux garçons qui m’ont l’air ivres comme des mariés du pays de Quimper !…

— Nous avons ce qu’il faut de raison. Monsieur de Kérizat, répondit Laurent, pour causer avec vous et vous faire changer d’avis sur ce mariage dont vous parliez tout à l’heure.

— Oui-dà, monsieur le comte ? riposta le chevalier avec raillerie — Je viens de bien loin, savez-vous, pour épouser la comtesse Anne !… et quand il s’agit de cent mille écus de rente, je ne puis avoir qu’un avis.