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Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/136

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trois fois M. de Vaunoy qui frappa violemment du pied et s’arrêta juste en face de ses acolytes.

Maître Alain sauta comme on fait quand on s’éveille en sursaut. Lapierre ne perdit pas l’équilibre.

— Vous étiez trois contre un ! reprit Vaunoy dont la colère allait croissant ; c’était la nuit : trois bonnes rapières, la nuit, contre une épée de bal ! et vous l’avez manqué !

— J’aurais voulu vous y voir ! murmura pesamment Alain ; le jeune drôle se débattait comme un diable. Je veux mourir si je ne sentis pas dix fois le vent de son arme sous ma moustache. D’ailleurs c’est une vieille histoire !

— Moi, je sentis son arme de plus près, dit Lapierre qui écarta le col de sa chemise pour montrer une cicatrice triangulaire ; et Joachim, notre pauvre compagnon, la sentit mieux que moi, car il resta sur la place. Je prie Dieu qu’il ait son âme.

— Ainsi soit-il ! grommela maître Alain.

— Je prie le diable qu’il prenne la vôtre ! s’écria Vaunoy. Tu as eu peur, maître Alain et toi, Lapierre, méchant bateleur, tu t’es enfui avec ton égratignure !

— Il aurait fallu faire comme Joachim, n’est-ce pas ? demanda le maître d’hôtel avec un commencement d’aigreur ; oui, je sais bien que vous nous aimeriez mieux morts que vivants, notre monsieur…

— Tais-toi ! interrompit Hervé qui haussa les épaules.

Alain obéit de mauvaise grâce, et M. de Vaunoy reprit sa promenade enragée, frappant du pied, serrant les poings et murmurant, sur tous les tons son juron favori.