Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/46

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Jean prit une écuelle fêlée où restaient quelques gouttes de breuvage, et la tendit à son père qui but avec avidité.

— J’ai encore soif, murmura le vieillard après avoir bu ; bien soif.

Jean parcourut des yeux la cabane. Il n’y avait rien.

— Je vais travailler, père, s’écria-t-il en s’élançant vers sa cognée ; j’ai dormi trop longtemps. J’apporterai du remède.

Le vieux Mathieu se retourna péniblement sur sa couche ; mais au moment où Jean allait franchir le seuil il le rappela.

— Reste, dit-il ; je souffre trop quand je suis seul.

Jean déposa aussitôt sa cognée et revint vers le lit.

— Je resterai père, répondit-il. Quand vous aurez sommeil, je courrai jusqu’au château et je demanderai ce qu’il faut à Nicolas Treml, qui ne refuse jamais.

— Jamais ! prononça lentement Mathieu. Celui-là est un gentilhomme : il n’oublie point son serviteur qui n’a plus de bras pour travailler ou se battre. Il ne méprise point l’enfant parce qu’il a les cheveux d’une autre couleur que ceux des hommes. Que Dieu le bénisse !

— Que Dieu le sauve ! dit Jean.

Mathieu se souleva sur son séant et regarda son fils en face.

— Jean, mon gars, reprit-il avec effort, ma mémoire est faible, parce que je suis bien vieux. Mais pourtant je crois me souvenir… Ne m’as-tu pas dit que le fils de Nicolas Treml est en grave péril ?

— Voici deux ans qu’il est trépassé, mon père.