Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/96

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Marie, enfant de la solitude, n’avait de hardiesse que contre le danger. La vue de l’homme la troublait, et l’effrayait. Lorsque la trompe de chasse criait dans les allées, Marie faisait comme les biches ; elle se cachait dans les buissons.

Jamais elle ne mettait de bouquets dans un panier verni pour les porter au château, avec des pommes, des œufs et de la crème, comme cela se pratique de nos jours au théâtre national de l’Opéra-Comique. Elle ne dansait ni sur la fougère ni même sous la coudrette ; en un mot, ce n’était en aucune façon une rosière de Mme  de Genlis, se mirant dans le cristal des fontaines, ni une ingénue de M.  Marmontel, raisonnant l’Être suprême, la nature et le reste. Ces braves poètes n’ont jamais vu la campagne qu’à Courbevoie !

C’était une fille de la forêt, simple, pure, demi-sauvage, mais portant en elle le germe de tout ce qui est noble, gracieux, poétique et bon.

Elle aimait à prier Dieu, car une foi profonde remplissait cette âme angélique qui ne soupçonnait pas le mal.

L’expression générale de son visage était un mélange d’exquise gentillesse et de sensibilité exaltée. Elle avait de grands yeux bleus pensifs et doux, dont le sourire échauffait l’âme comme un rayon de soleil. Sa joue pâle l’encadrait d’un double flot de boucles dorées, qui ondoyaient à chaque mouvement de sa tête et se jouaient sur ses épaules modestement couvertes. La nuance de cette chevelure eût embarrassé un peintre, parce que les couleurs dont peut disposer l’art humain sont parfois impuissantes. Cette nuance, dans un tableau, semblerait