Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 1.djvu/20

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« C’est bien ! fit maître Pol qui riait pour cacher son attendrissement, vous n’attendez pas à demain, madame ma tante. Vous l’aimez dès aujourd’hui. Or, maintenant, écoutez ce qui me reste à vous dire. Si notre Éliane eût été, comme je vous l’ai fait croire un instant, une fillette de deux ou trois ans, je n’aurais pas eu besoin de vous, ma bonne, ma chère tante, car M. le duc, tout possédé qu’il est par une demi-douzaine de démons, a le cœur d’un gentilhomme et ne mange pas encore les petits enfants. Mais il s’agit d’un trésor de beauté qui chaque jour désormais va se perfectionner et s’accroître.

« Pour un tel joyau, la maison de M. de Vendôme vaut un peu moins que l’enfer. J’ai donc agi sagement pour la première fois de ma vie, et je me décerne volontiers toute sorte de félicitations. À vous revoir, madame ma tante, vous êtes une sainte, ni plus ni moins ; à vous revoir, Éliane, pauvre petite sœur, et souvenez-vous qu’à une sainte il faut un ange. J’ai répondu de vous. »

Il se dirigea vivement vers la porte.

« Maître fou ! dit dame Honorée, c’est de vous qu’il faut me répondre ! »

Son regard désigna Éliane dont la tête gracieuse se cachait toujours dans son sein.

Ce beau diable de page vous avait des airs de prince, quand il voulait. Il se redressa et posa la main sur son cœur. Cela valait assurément tous les serments du monde ; l’excellente béguine le jugea du moins ainsi.

Elle resta seule avec Éliane et lui prit la tête à deux mains pour la baiser mieux. Maître Pol l’avait dit : Dame Honorée n’attendait pas au lendemain pour l’aimer.