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Ils arrivèrent à Paris le matin du second jour et poussèrent droit à l’hôtel de Mercœur.

En bon mari qu’il était, maître Pol voulut obéir à sa femme et prendre ses quartiers dans le logis de dame Honorée de Pardaillan-Guezevern, maîtresse de la porte du couvent des Capucines.

Mais il se trouva, et vous verrez que ce fut un grand malheur, que dame Honorée faisait justement une retraite de neuvaine à l’intérieur du monastère, où elle s’était momentanément cloîtrée.

Maître Pol trouva chez elle visage de bois, et fut contraint de chercher ailleurs un abri.

Avant de courir les hôtelleries, il voulut se débarrasser du précieux dépôt qu’il apportait de si loin. Ici encore, il fut déçu. La veille au soir, M. de Vendôme avait disparu, sur le bruit vrai ou faux que Son Éminence voulait de nouveau s’assurer de sa personne.

Son Éminence était un glorieux génie qui empêchait les trois quarts du royaume de dormir.

À l’hôtel de Mercœur, depuis qu’on lui avait assigné le château de Vendôme pour résidence, Guezevern n’avait plus d’appartement privé. Il allait se retirer, fort embarrassé de ses trois cent mille livres que Mitraille et les valets portaient à force de bras, lorsqu’il fit rencontre, dans le corridor qui communiquait avec les quartiers de Mme la duchesse, de son bon ami et compère l’écuyer Renaud de Saint-Venant.

Voilà une agréable figure, ce Renaud de Saint-Venant, et que nous avons plaisir à remettre sous les yeux du lecteur. Il avait un peu épaissi depuis le temps, et ses joues dodues tombaient sur sa fraise ; mais à part cela, c’était bien toujours la même poupée de cire, rose, fraîche, fleurie. On ne disait point qu’il eût beaucoup de succès auprès des dames ; mais ce sexe pervers n’aime que la barbe rude et le hâle tanné.

La barbe de Saint-Venant était de soie, ses cheveux miroitaient, son regard scintillait, son sourire luisait ; il avait un teint si lisse et si blanc que vous eussiez dit de la crème glacée.

Ni trop grand ni trop petit, un embonpoint raisonnable, des ongles nets, des dents éclatantes, une voix doucette et toujours pleine de paroles agréables !

Les hommes étaient un peu comme les dames : ils ne l’aimaient point. Pourquoi ?

Il était trop joli, trop satiné, trop suave : les deux sexes étaient jaloux de lui.

Il se jeta tout d’un temps entre les bras de maître Pol et faillit l’étouffer dans la chaleur de ses embrassements.

« Ah ! mon ami ! ah ! mon cher ami ! mon véritable, mon seul ami ! Le ciel me réservait donc cette joie de vous voir encore à l’hôtel de Mercœur ! Comment se porte cet ange qui a uni son sort au vôtre ? Et mon filleul qui est ma plus tendre affection ici-bas ? et vous ? et ?…

— Mort de moi, Renaud, mon compagnon, l’inter-