Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 1.djvu/98

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femme a pris en grippe. Et pourquoi ? Dieu seul le sait, ou le diable. Car il n’y a que Dieu et le diable, pour comprendre rien aux fantaisies des dames ! »

Il se lava à grande eau et répara tant bien que mal le désordre de sa toilette.

Et tout en s’accommodant de son mieux, il chantait comme un loriot la chanson de ses jeunes amours, que la vue de l’hôtel de Mercœur lui remettait en mémoire à son insu :

Nous étions trois demoiselles.
Toutes trois belles
Autant que moi.
Landeriguette,
Landerigoy.
Un cavalier pour chacune
Courait fortune
Auprès du roi,
Landerigoy,
Landeriguette.

Et comme la chère voix d’Éliane lui allait droit au cœur, quand elle chantait cela autrefois ! C’était le signal de ces trop courts rendez-vous sous les tilleuls du clos Pardaillan, jardin privé de dame Honorée.

Jeanne aimait un gentilhomme
Annette un homme,
Marthe, ma foi,
Landeriguette,
Landerigoy,
Aimait un fripon de page,
Sans équipage
Ni franc aloi
Landerigoy,
Landeriguette.

Et certes, Éliane avait choisi cette chanson, parce qu’il y était question d’un fripon de page. Maître Pol était page, en ce temps-là.

La fraîche chanson venait l’éveiller quand il dormait dur comme pierre après les folies de la nuit, et quand la chanson ne suffisait pas à le tirer de son lourd sommeil, un petit caillou lancé par la blanche main d’Éliane :

Le seigneur acheta Jeanne
L’homme prit Anne
Marthe dit : moi
Landeriguette
Landerigoy.
Il me faut bel apanage,
Et le blond page
Devint un roi,
Landerigoy,
Landeriguette.

Jusqu’à présent, le blond page d’Éliane n’était encore qu’un intendant. Mais comme elle eût fait une délicieuse reine !

Il faut vous dire que maître Pol était de ces gens qui n’aiment jamais mieux qu’aux heures de l’absence. Il adorait follement sa femme en ce moment, et pour un