Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/120

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son ministre n’était plus là pour faire le vide autour de son ombrageuse timidité.

Ces persécutés qui revenaient en vainqueurs formaient le fameux parti des « Importants », lequel, après sa défaite, devint le noyau de la Fronde. Ils avaient reçu ce nom à cause des grands airs qu’ils se donnaient et des rodomontades dont ils emplissaient la cour et la ville, depuis que le terrible fouet de Richelieu ne claquait plus sur leurs reins.

Au moment où nous franchissons le seuil de cette porte dont Estéban interrogeait naguère la serrure, la reine Anne d’Autriche était assise sous le dais, ayant à sa droite madame la princesse, à sa gauche son ancienne et tant chère amie la duchesse de Chevreuse. Le duc d’Orléans et M. le Prince, père du grand Condé, avaient des sièges au-dessous d’elle. Entre eux, le jeune duc de Beaufort s’était glissé sous prétexte de jouer avec le petit roi, qui était un enfant de cinq ans, merveilleusement beau.

Le roi, selon l’étiquette, était le seul ici qui ne portât point le deuil.

Les autres assistants se rangeaient un peu au hasard, la plupart dessinant un cercle autour de la reine, quelques-uns formant des groupes dans diverses parties de la vaste chambre.

C’était l’année où le duc d’Enghien, ce jeune homme au front noble qui causait là-bas avec la princesse de Longueville, si belle et si jolie, allait écrire le nom de Rocroy sur une des plus glorieuses pages de notre histoire. Il avait vingt et un ans. Non loin de lui était son frère, un