Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/263

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non point celle qui était gardée par le chevalier Gaëtan, placé en sentinelle dans le corridor.

Ce coquin de Mitraille était entré, la tête basse, le pas chancelant, comme un homme abêti par l’ivresse. De fait, il n’avait pas toute son intelligence, Mélise nous a expliqué cela, parce qu’il ne buvait que de l’eau depuis deux jours.

Il avait le regard éteint, la langue épaisse, la taille courbée.

Il s’approcha de madame Éliane, et lui parla tout bas.

— Lui ! s’écria-t-elle en se levant, à cette heure ! et qui lui a ouvert les portes du château de Pardaillan ?

— C’est moi, s’il plaît à madame la comtesse, répondit Mitraille avec un sourire important. Je sais ce que je sais, peut-être ! Il m’a dit qu’il venait dans l’intérêt de madame la comtesse.

Voyez-vous, cette petite Mélise avait raison de bout en bout. Les gens comme ce coquin de Mitraille perdent cent pour cent à boire de l’eau. Cela les grise.

Depuis huit jours, il défendait le château envers et contre tous ; le roi serait venu à la tête de ses mousquetaires qu’il eût laissé le roi à la porte. Mais l’arrivée de madame Éliane exagérant soudain l’idée de sa responsabilité, il avait fait abstinence imprudemment et sa pauvre tête n’y était plus. Nous ne prétendons pas l’excuser tout à fait, mais nous plaidons les circonstances atténuantes.

Madame Éliane renvoya précipitamment Roger et Pola, étonnés de son trouble. Dès qu’elle fut seule avec Mitraille, elle s’écria :