Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/270

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et encore des gentilshommes, madame, et encore des bourgeois ! N’est-ce point assez ? Non. Nous avons aussi des dames. Ah ! c’est une affaire bien menée !

Nous avons annoncé le spectacle à son de trompe, le grand spectacle de la reine Artémise, convaincue d’avoir assassiné son roi Mausole. C’est curieux, cela. Les spectateurs sont arrivés en foule. À l’heure où je vous parle, outre la cohue qui remplit votre auberge du Tourne-Bride et toutes les masures de votre hameau de Pardaillan, toutes ! il y a des gens campés dans la forêt, comme s’il s’agissait d’un pieux pèlerinage, et les routes qui conduisent à votre château, du nord, du midi, du levant et de l’occident, sont encombrées de voyageurs qui se pressent, qui se poussent pour voir la plus belle fête qu’on puisse offrir à la méchanceté des hommes : la ruine, la ruine violente, complète, honteuse d’une personne qu’on jalousait hier. Car vous aviez beau être bonne, madame, généreuse, secourable, sachez cela, il y avait une terrible dose de haine dans l’amour qu’on vous portait.

Vous étiez si riche, et vous aviez été pauvre ! Vous étiez une parvenue. Il ne faut jamais chanceler quand on est parvenu. Chacun se vantera demain de vous avoir abhorrée d’instinct et sans savoir ; chacun se vengera de vous avoir chérie. Rien, entendez-vous, rien ne peut vous donner une idée de ce qui se passera demain au château de Pardaillan : ce sera hideux, mortel, terrible ; c’est moi qui vous le dis, moi qui ai tout préparé. Sur ma parole, j’ai grand’pitié de vous !