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Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/272

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merveilleuse beauté sur laquelle les années avaient passé comme la caresse du temps au front des chefs-d’œuvre de la statuaire antique.

Il y avait une autre voix qui balbutiait, jaillissant d’un cœur ému jusqu’au transport :

— Qu’elle est belle ! qu’elle est belle ! et comme elle a souffert !

— Et quelle fortune voulez-vous que je vous donne pour acheter cet ordre ? demanda Éliane.

— Il faut d’abord, répondit le conseiller, que vous examiniez l’objet à vendre : l’ordre est parfaitement en règle et tel que vous l’avez demandé.

Tout en parlant, il avait déplié un large parchemin, touché au sceau royal et absolument semblable à celui que ce facétieux Kaddour et le chat-renard d’Écosse avaient détruits dans leurs ébats. Il n’y avait ici nulle supercherie : ce parchemin était sincère et véritable. M. de Mazarin, toujours soigneux, le lendemain de la scène que nous avons racontée, était entré le premier dans la chambre de la reine régente qu’il avait quittée le dernier. Tout en causant avec Anne de choses très importantes, car ils préparaient le coup d’État qui allait rendre si brusquement le pouvoir aux créatures de Richelieu, le cardinal avait été offusqué par la vue de plusieurs lambeaux de parchemin épars sur le carreau. Il aimait la propreté minutieusement ; il fit d’abord le ménage, ramassant une à une ces bribes, puis il tomba par hasard sur un lambeau plus grand qui, malgré le travail consciencieux des dents de Kaddour, laissait lire encore quelques mots du protocole royal.