Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/282

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le drôle m’a enlevé un lopin de chair à l’épaule : un pouce plus bas, j’étais mort !

— Louons donc Dieu, dit Saint-Venant, et parlez bas, monsieur mon ami : j’ai ouï des pas tout à l’heure en passant au bout de la grande galerie.

Gondrin s’assit sur une des marches de l’escalier tournant.

— Le cœur me manque… murmura-t-il.

— Il n’est pourtant pas l’heure de se reposer, monsieur mon ami, répliqua Renaud. Voici le jour qui va poindre. Si vous aviez eu confiance en moi, si vous aviez accepté pour vrai tout ce que je vous ai dit, cette mésaventure ne vous serait point arrivée.

— Par la morbleu ! s’écria Gondrin en se levant, j’ai voulu voir par moi-même, et j’ai bien fait. Toute cette histoire est aussi invraisemblable qu’un conte à dormir debout. Quand on a l’honneur d’occuper la haute dignité que madame la régente a bien voulu me confier, il ne faut point donner à rire de soi, mon camarade !

Il faisait noir comme dans un four, c’est pourquoi M. le baron ne vit point l’effort que fit le conseiller pour réprimer un accès de moqueuse hilarité ; il poursuivit :

— Ce cadavre empaillé, ce comte endormi comme une momie, depuis quinze ans, dans sa chambre close… certes, l’audace des femmes n’a point de bornes ; mais, pourtant, l’aventure me paraît un peu forte, et avant de convoquer cent témoins, hommes de guerre, magistrats, gentilshommes et gens du roi, j’ai voulu m’assurer par moi-même de la réalité du fait. Quand j’aurai vu