Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/297

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sion, mais ils ignoraient encore que les portes eussent été ouvertes. Un avis de madame Éliane leur était parvenu, qui recommandait d’attendre et de s’abstenir.

Mélise ne s’abstenait jamais volontiers. On ne causait point amour dans cette pauvre chambre où l’inquiétude paralysait tous autres sentiments. Mélise s’offrit pour aller à la découverte et gagna tout d’un temps cette porte, derrière laquelle elle avait laissé le More. La porte était close, maintenant. Celle de madame Éliane, donnant sur la même galerie, était fermée aussi. Et Mélise entendait bien mieux désormais ces clameurs du rez-de-chaussée dont elle commençait à deviner l’origine.

Elle s’élança vers la retraite de son père, qui était à l’étage au-dessus, sans beaucoup d’espoir de l’y trouver. L’huis de ce coquin de Mitraille était grand ouvert, et Mélise put le voir, la tête renversée en arrière, debout au milieu de son réduit, avec le goulot d’une bouteille dans la bouche.

Cela lui donna bonne espérance.

— Hélas ! mignonne, dit le bon capitaine en la reconnaissant, si vous me voyez boire, c’est que tout est perdu !

— Qu’y a-t-il, père, qu’y a-t-il ? demanda précipitamment la fillette.

Mitraille passa ses deux mains sur son front.

— Je n’en savais rien tout à l’heure, expliqua-t-il ; à présent il me semble que je devine. Mais, vive Dieu ! ce doit être une pitoyable erreur, car tout à l’heure j’étais à jeun, et maintenant j’ai dans l’estomac deux flacons de vin de Guyenne !