Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/69

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— Malheureuse ! s’écria Pola épouvantée, as-tu fait cela ?

— Pas tout à fait, répliqua la fillette en baissant ses grands yeux sournois. Ne te fâche pas. Certes, je n’ai pas été lui raconter toutes nos petites affaires. Qu’aurait-il pensé de nous, bon Dieu, s’il avait su le temps que nous dépensons chaque matin à bavarder touchant sa précieuse personne, à déplorer les malheurs de sa famille, à maudire M. le maréchal de la Meilleraye, et la mémoire de feu M. le cardinal, à constater qu’il porte son pourpoint de drap modeste, mieux, oh ! bien mieux que nos muguets à la douzaine ne portent leur soie et leur velours… et à soupirer… et à sourire… et à répéter sur tous les tons des choses qui, mises en vers, se chanteraient si doucement, surtout si on les accompagnait avec la mandoline !

Pola retira sa main et dit :

— Tu es méchante, Mélise.

— Mais pas du tout, mon cœur… à moins qu’il n’y ait méchanceté à priver ce beau Gaëtan du récit de nos chères extravagances. Comme tout cela l’aurait rendu heureux ! Je me suis bien gardée de lui rapporter tout cela, d’autant que ç’eût été fort long et que maître Roger fait bonne garde autour de moi. C’est à peine si j’ai le loisir de glisser un mot à Gaëtan, qui me suit comme une âme en peine. Je lui ai donc dit, tout bonnement : Pola pense à vous, Pola sait que vous l’aimez, et cela ne la met point trop en colère.

— Mais pourquoi, l’interrompit mademoiselle de Pardaillan, dont la joue était écarlate, pourquoi as-tu parlé ainsi ?