Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/92

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Le More, au lieu de quitter sa cachette, prit une attitude indolente et attendit.

— Là ! là ! mon compère, disait cependant le conseiller, votre prudence s’emporte comme la témérité des autres. Palsambleu ! entendîtes-vous parler de ce grand oiseau des pays d’outre-mer, l’autruche, qui se croit à l’abri quand elle a caché sa tête derrière une pierre ? Vous aurez beau courir, vous ne fuirez pas votre passé. Nous sommes tous les deux, croyez-moi, dans le cas de Gros Guillaume qui a passé les trois quarts de la rivière ; mieux vaut aller en avant que de reculer.

— Mais, répliqua maître Mathieu, si madame Éliane voit la reine, nous sommes perdus !

Saint-Venant haussa les épaules.

— La reconnaissance, à la cour, répliqua-t-il, n’est pas une chose si effrayante que cela. Voyons, remettez-vous, mon compère, et causons comme des gens rassis. Quand vous m’avez dit tout à l’heure : Nous n’en avons pas pour longtemps, j’ai répondu : Savoir ! vous voyez que j’avais raison. C’est que je ne vous apporte pas, Dieu Merci, moi, mon compère, des nouvelles de huit jours, ayant de la barbe au menton, ni des hypothèses, ni des raisonnements. Je n’ai jamais été sorcier ; mais j’ai mené toujours assez bien mes petites affaires. Nous avons à travailler cette nuit, et vous ne serez pas quitte de si tôt.

Il passa son bras sous celui de l’ancien drogueur, qui tremblait légèrement, et l’entraîna vers la maison en construction, dont le voisinage était un lieu plus propice à leur entretien confidentiel.

En chemin, il reprit :