Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/131

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— Point de quartier ! cria-t-il à ceux qui le précédaient ; les misérables ont essayé deux fois d’assassiner mon gendre ! Ils ne peuvent pas nous échapper. Ferme ! et battez bien la plaine.

Les bruits allèrent s’éloignant au nord-est, dans la direction de Tur. William et Bobby, reposés, prirent de nouveau la course, redescendant cette fois vers le Temeswar, dont les sauvages campagnes leur promettaient un abri presque assuré. Mais les cavaliers battaient la plaine en zigzag, et, d’instant en instant, nos fugitifs étaient obligés de biaiser dans leur route. Le jour commençait à poindre quand ils passèrent la seconde rivière à gué, au-dessous du village de Chila, situé dans une île. Il n’y avait plus d’abri désormais pour eux que dans les hautes moissons du Grand-Waraden.

Ils étaient harassés de fatigue, et il leur fallait traverser un large espace découvert. Le hasard avait éloigné d’eux la chasse pour un instant.

— Il faut profiter des dernières minutes de nuit ! dit William : un effort !

Tous deux s’élancèrent, courant en ligne directe vers les moissons. En atteignant la lisière de cet océan de verdure, ils se retournèrent afin de mesurer la distance parcourue. Personne n’était en vue : les chasseurs avaient perdu leur piste. Ils bondirent et percèrent les jeunes tiges de maïs, comme les cerfs plongent dans le fourré. Quelques pas encore et ils se jetèrent, épuisés, sur le sol, collant leurs visages ardents contre la terre fraîche.

— Pour garder ma vie, je n’aurais pas pu faire un pas de plus ! dit Bobby d’une voix étouffée.

William consulta sa montre.

— Voilà onze heures que nous courons, répondit-il, et nous avons fait plus de vingt lieues.

— Aurons-nous le temps de nous reposer ?

— Le jour vient ; dès que le jour sera venu, ils retrouveront la piste.