Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/134

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Quand le soir se fit, on aurait pu encore, de la route qui borde la Seine, apercevoir de nobles et sévères parures, au milieu des gazons du parc de Conflans. Il y avait, comme au jour où débute notre histoire, soirée de charité chez Mgr de Quélen, et la similitude complète des circonstances nous épargne toute description. C’était le même lieu de scène et à peu de chose près les mêmes personnages. L’évêque d’Hermopolis, aujourd’hui comme alors, devait prononcer une allocution familière, et la même chanteuse, oui, la même, qui avait changé de nom seulement, Mme la marquise Lénor de Lorgéres, avait promis de se faire entendre pour les pauvres.

Elle était là, belle comme la jeunesse et le bonheur, sous l’aile de madame la princesse de Montfort, sa belle-mère. Vous avez vu, certes, en votre vie, quelque jolie petite fille, affolée par son amour pour sa poupée toute neuve ; il n’y a rien de blessant dans la comparaison, Madame la princesse était ainsi à l’égard de sa charmante bru : folle, entendez-vous ? avec toutes les joyeusetés de ce genre de folie. Elle avait rajeuni de dix ans ; elle avait un continuel besoin de caresser et de sourire ; la jolie Mme de Maillé avait laissé échapper une fois : « Si ce n’était ma tante qui est le bon ton fait princesse, je dirais que toutes ces chatteries sont de très mauvais goût. »

Eh bien ! c’eût été de l’injustice. Il faut qu’une fois pour toutes le bon ton permette le bonheur.

À la brune, quelques gouttes de pluie mirent en fuite les dames qui se réfugièrent dans le salon, où les sièges étaient disposés déjà pour le concert. Il était difficile que le lieu, l’identité des personnages, la parité de la mise en scène ne fissent pas naître un souvenir.

— J’espère, dit le docteur Récamier, qui venait de conseiller amicalement plusieurs affusions d’eau froide dans des bains chauds, que Mgr d’Hermopolis mettra le produit de sa quête en lieu sûr, cette fois.