Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/161

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— Je l’avoue, interrompit Saulnier ; je fais plus, je m’en glorifie !

— Chacun prend sa gloire où il la trouve, mon cher Saulnier ; mais, en bonne conscience, votre aveu suffit pour motiver la conduite du capitaine Brand, et, sans notre excellent curé, qui a mieux aimé jeter bas son incognito que de permettre…

— Me croyez-vous assez lâche pour le dénoncer ?

— Je ne prétends point cela, quoique Brand fasse, dans son coin, une grimace significative ; mais brisons-là. Voulez-vous être libre ?

— Quelles sont vos conditions ?

— Peu de chose. Vous me rendrez le petit service que je réclamais de vous au commencement de cette entrevue.

— C’est-à-dire ?

— Vous recevrez chez vous Marie Brand, en promettant, sous serment — je crois à votre parole, moi — en promettant de la traiter comme votre fille, et surtout de ne point aller à Redon.

Saulnier se prit à réfléchir.

À ce moment, on entendit ouvrir la porte extérieure du château, et les pas d’un cheval retentirent sur le pavé de la cour.

L’hésitation du docteur ne dura pas longtemps.

— Ni l’un ni l’autre, répondit-il. En sortant d’ici, le premier acte de ma liberté sera de partir pour Redon

— Voilà qui est parler, murmura Jean Brand. Le prêtre haussa les épaules en soupirant.

— En outre, poursuivit Saulnier, je ne souffrirai jamais que le toit qui abrite ma fille soit souillé par…

— Silence ! s’écria Brand d’une voix menaçante.

— Silence, en effet, maître Saulnier, dit M. de Vauduy, perdant tout à coup son ton de froideur ; si j’ai deviné ce que vous alliez dire, vous feriez bien de recommander à Dieu votre âme avant d’achever tout haut votre pensée.