Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/184

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

VIII

le rêve


Les chouans de Saint-Yon étaient à l’agonie ; un dernier coup devait les détruire ou les disperser. M. de Vauduy, seul officier restant, disposa ses hommes pour une suprême bataille ; il ne leur cacha point l’imminence du danger. À quoi bon ? Ils étaient préparés à mourir.

Quand Vauduy se fut acquitté de ses devoirs de soldat, il entra dans la cellule de Marie.

— Mademoiselle, dit-il, deux chevaux sont sellés, et vous attendent au pied du menhir ; un de mes hommes vous accompagnera jusqu’à Vannes, où j’ai fait retenir votre passage sur un brick qui part pour Falmouth. Il faut nous séparer.

Marie secoua l’engourdissement du désespoir où l’avaient plongée les défaites successives de ses compagnons.

— Vous êtes donc bien sûrs de vaincre ? dit-elle en se redressant tout à coup.

— Hélas ! Mademoiselle, nous sommes sûrs de mourir.

— Et vous voulez me renvoyer à l’heure du péril ! Vauduy, cela n’est pas d’un serviteur loyal. Puisque la race des Rieux doit s’éteindre avec moi, qu’elle s’éteigne noblement, et sur un champ de bataille !

Vauduy voulut faire des représentations.

— Je le veux ! s’écria Marie.

L’ancien intendant s’inclina jusqu’à terre et sortit à reculons.