Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/84

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que aussitôt après en bondissant sur son fauteuil ; docteur ! il a donné une pièce blanche ! mon fils, à moi ! à la quête du ministre des cultes ! pour les chrétiens de terre sainte ! Mlle d’Arnheim est très certainement l’ancien vampire enterré dans la plaine du Grand-Waraden : Elle a ensorcelé Gaston ! Gaston est fou ! une pièce blanche ! Voilà qu’il a vingt-trois ans ! Y a-t-il des affusions d’eau froide dans les bains chauds qui puissent empêcher les jeunes gens de faire des sottises ? J’avais envie qu’il s’éveillât un peu, mais pas tant ! Seigneur, mon Dieu ! le duc a déjà pensé me faire perdre la tête ! Et figurez-vous qu’il ne veut pas entendre parler de sa cousine Émerance ! un parti charmant ! et bien en cour ! et tout !…

Elle s’éventait du mieux qu’elle pouvait, mais elle ne croyait point à ce qu’elle disait et il y avait un sourire sous sa colère.

L’évêque aussi riait en quittant le jeune marquis dont la main venait de laisser tomber trois pièces de quarante sous dans son aumônière : les seules ! il devinait bien qu’il y avait là méprise et qu’on avait cru donner trois doubles louis.

Mais Gaston, lui ne riait pas : tout son être était dans ses yeux. Je ne sais pas même s’il avait remarqué l’entrée de Mlle d’Arnheim. C’était le père, il ne voyait que le père, dont les cheveux blancs frémissaient sur son grand front pâle.

Lentement, lentement, M. d’Arnheim porta sa main droite à son crâne sur lequel ses cinq doigts convulsifs restèrent un instant étendus.

C’était le signal convenu.

Gaston poussa un long soupir et se perdit dans la foule.