Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/92

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comme le constable de l’honorable Josuah J. Marshall : Les frère Ténèbre ! allons donc ! c’est impossible !

Et une fois qu’elle est venue frapper à la porte de l’esprit, cette pensée, et que l’esprit lui a refusé l’hospitalité, tout est dit : le bandeau est noué à triple nœud sur vos yeux. Voilà où gît l’importance réelle du calcul du docteur Marshall.

Maintenant, on a vu des gentlemen secondaires opérer de très jolies affaires en prenant le nom respecté de Jack Sheppard. MM. d’Altenheimer n’avaient-ils point volé la personnalité des frères Ténèbre ? où s’arrêtait le faux dans leur récit ! les frères Ténèbre existaient-ils seulement ? ou n’y avait-il pas même un atome de vérité au fond de leur effronté mensonge ?

M. le préfet de police monta en voiture le premier et revint à Paris ventre à terre. L’habileté de cet éminent magistrat est restée proverbiale ; sans nul doute, il dut mettre en campagne à l’instant même les mystérieux bataillons de son armée.

Nulle trace cependant n’est restée, aux archives de la préfecture, du Chevalier Ténèbre, ni de frère Ange le vampire ; nulle trace non plus du baron d’Altenheimer, ni de monsignor Bénédict. Ce n’est pas, paraît-il, une petite entreprise que de chasser à courre un eupire et un vampire !

Le surplus des convives de Monseigneur se retira tristement. Le bon et illustre archevêque, en regagnant sa chambre, gardait comme une secrète consolation au fond de son cœur. Il lui restait du moins de quoi soulager une infortune : le portefeuille destiné à M. d’Arnheim ne l’avait pas quitté. Il voulut en recompter les billets de banque.

Hélas ! le portefeuille s’était envolé, emportant avec lui la magnifique croix pastorale de Monseigneur lui-même !